Quand le jeu vidéo flirte avec le cinéma #1 - De l'importance de la mise en scène

Dans un précédent article, je vous parlais des liens existant entre les jeux vidéo et la culture générale et de comment le premier était une porte d'entrée vers la deuxième. J'y expliquais les liens entre cette formidable industrie et d'autres domaines culturels comme l'Histoire, la mythologie et bien d'autres thématiques. Pour autant, j'ai souhaité consacrer un post spécifique à la relation étroite qui existe entre le jeu vidéo et le cinéma, une relation avec des avantages mais pas toujours... 

Ces deux industries entretiennent en effet un rapport de plus en plus étroit depuis le début des années 2000 et j'ai voulu montrer pourquoi dans ce petit article. Pour éviter un billet trop long et indigeste, j'ai divisé tout ceci et je vous propose donc une petite série de trois articles abordant la question : suivez le guide !

Quelque chose de frappant dans les jeux vidéo sortis ces 20 dernières années est la place croissante qu'a pris l'intrigue. Bien que le gameplay, la direction artistique et la dimension technique restent les ingrédients cruciaux d'un jeu réussi, les joueurs et la presse sont de plus en plus exigeants concernant l'histoire (quand il y en a une) racontée par les créateurs. Certains jeux sont d'ailleurs célèbres pour cet aspect très précis, parfois même plus que pour leur gameplay. Cette importance de plus en plus forte est telle qu'elle a fini par donner naissance à un genre très particulier : les jeux narratifs.

Comment ce souci grandissant de la mise en scène s'est-il traduit ? En grande partie par l'arrivée de cinématiques de plus en plus élaborées à mesure que les moyens techniques augmentaient. C'est grâce à elles que la plupart des jeux racontent leur histoire désormais et certaines sont même restées dans la mémoire des joueurs des années après pour leur qualité. Super Smash Bros. Brawl paru sur Wii en 2008 fut notamment très apprécié à son époque de par les multiples cinématiques de son excellent Mode Aventure.

Allant de pair avec ces petites scènes animées, le doublage des personnages de l'intrigue est également une composante cruciale à une époque où les jeux deviennent des produits d'envergure internationale : on peut comprendre qu'il est plus aisé de séduire un potentiel acheteur avec des personnages parlant sa langue et ceci est particulièrement vrai en France où nous sommes, dans l'ensemble, plutôt frileux quand il s'agit de s'aventurer dans les terres linguistiques.

Cette importance du doublage dans une langue spécifique, dans la mesure où la voix de vos héros doivent être à même de transmettre les émotions de manière efficace, pousse les studios à prendre certaines initiatives parfois bien malheureuses. Je pense notamment à Ubisoft qui a jugé bon de prendre Norman pour faire la voix française d'un personnage secondaire de son excellent Starlink: Battle for Atlas sorti en 2018. Autant je n'ai pas de mauvais sentiments envers le YouTuber ou un de ses collègues, autant je doute très sincèrement de sa compétence en tant que doubleur, ce qui s'est vérifié dans ce cas précis. Le doublage est un métier à part entière et je pense qu'il est plus sage de le réserver à des professionnels plutôt que de tenter d'ameuter les clients en surfant sur la notoriété de telle ou telle vedette.

Le résultat de ce genre d'initiatives est d'ailleurs plutôt contre-productif puisque les joueurs ont désormais beaucoup plus tendance à mettre le doublage du jeu dans sa langue d'origine (où dans une autre langue si le jeu est français). Un choix remarqué par d'autres éditeurs puisqu'on observe de plus en plus de jeux japonais portés à l'étranger proposant un doublage en japonais à l'image de Xenoblade Chronicles 2 (là où nous devions souvent nous contenter d'un doublage anglais auparavant).

Ce qui est amusant, c'est que les studios de développement n'ont pas nécessairement tous choisi un chemin linéaire dans le développement de la mise en scène de leurs productions. Nintendo et les Super Mario en sont de bons exemples. Sorti en 2002 sur GameCube, Super Mario Sunshine proposait des cinématiques de bonnes factures, chacune doublées en anglais : on entendait ainsi la Princesse Peach, Bowser et même Papy Champi s'exprimer librement. Quelques années plus tard, Super Mario Galaxy sort sur la Wii et amène lui aussi son lot de splendides cinématiques... sans aucun doublage ! Seuls quelques "Marioooo !" plaintifs poussés par la Princesse Peach seront entendus, bien loin des lignes de dialogues complètes auxquelles elle avait eu le droit sur l'île Delfino. Le même constat est observé pour Super Mario Galaxy 2 et même Super Mario Odyssey qui ne proposent aucun doublage non plus.

À l'inverse, The Legend of Zelda est une série dont la mise en scène n'a fait que se développer au fil de ses épisodes. The Wind Waker avec son style cartoon très caractéristique proposait de nombreuses cinématiques et Twilight Princess mit la barre encore plus haut avec son développement très touchant du personnage de Midona. Skyward Sword, bien que contesté par de nombreux fans, n'est pas en reste non plus avec une écriture approfondie de l'univers de la série avec notamment la révélation du lien de Link, Zelda et Ganondorf. J'ai d'ailleurs hâte de revivre cette histoire dans la version HD du jeu qui sortira le 16 juillet.

Breath of the Wild est la consécration de ces efforts et même a emmené la série à un niveau supérieur grâce à un doublage en de multiples langues de l'intégralité de ses cinématiques. Bien évidemment, Link reste muet mais ce fut un véritable plaisir de voir la Princesse Zelda prendre vie et s'exprimer de sa propre voix (que nous devons à la célèbre Adeline Chetail). Cela dit, j'ai beau avoir adoré Breath of the Wild, j'ai eu une légère déception au niveau de sa mise en scène qui somme toute est très en retrait : la recherche des souvenirs apporte certes son lot de cinématiques épiques et splendides mais il n'empêche que Link, et par extension le joueur, se retrouve bien seul dans cette quête au milieu de ce monde en ruines.

Le jeu vidéo rejoint donc le cinéma dans cette volonté de raconter une histoire qui lui est propre, de véhiculer des messages et de transmettre des émotions à travers des cinématiques qui lui sont propres et en donnant une voix à ses protagonistes. Certains vont d'ailleurs plus loin en s'inspirant directement de la réalité pour cela, ce que nous aborderons dans une deuxième partie !

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